Vous parlez de m’arracher de ma solitude – et m’ alleguez pour cela d’aussi eloquentes raisons. Pensiez Vous bien Madame! lorsque Vous ecrites ces lignes, quels effets elles alloient faire sur moi. Sur moi qui ne savoit d’autres soulagemens a tous les maux qui m’oppriment que de pouvoir les cacher a l’univers. Pourquoi me contraindre de voir la lumiere afin d’y jouer un personnage odieux, même a l’ egard des personnes auxquels mon coeur
prend
a pris autrefois
le plus d’interêt. ll est impossible de vous eclaircir tout le sanglant de ma situation, Vous2
en allez juger
devinerez quelquechose
par la contradiction de toutes mes actions, quoique mes sentimens tant pervers que Vous me engagez
supposiez
ne peuvent jamais etre reduits a
se contredire. Convenez qu’il n’y a rien de si cruel, que d’agir contre son coeur; cependant j’y suis contraint par les actions des personnes même qui se disoient autre fois mes amis et qui sous ce pretexte se croyoient tout permis contre moi. Trahissez moi si3
Vous y trouvez de quoi satisfaire a Votre amour pour la vertu et a Votre haine pour le vice, que je Vous annonce en ma personne
, procurez Vous ce plaisir des grandes ames de pouvoir contribuer au triomphe de l’une sur l’autre surtout dans des occasions aussi eclatantes ou le zèle d’avoir secouru l’un, et detruit l’autre Vous servira de trophée chez tout le public et peut etre chez la posterité même. Je Vous en fournis des armes4
je Vous ouvre mon coeur. Je me declare coupable de tous ces petits tours, de toutes ces ruses dont Vous me fites le dernier soir d’aussi vives reproches, je vous declarerai même que je ne
rien moins que de
changer si pas
de conduite je la soutiendrai avec de la fermeté
tant que les raisons qui m’y forcent ne voudront pas
ont pas
cesser. Vous deviez donc prendre garde a me fournir d’occasions de faire du mal sous les dehors de l’innocence et de la probité. Pourquoi, je Vous en supplie, me produire a la cour? Pourquoi m’ouvrir des vues aussi pleines de charmes lorsque j’etois resigné pour la campagne. Pourquoi en donner ombrage a des personnes qui jusqu’ici ont taché de m’en
eloigner, afin d’etre a l’abri de mes petits tours et de mes ruses
? Qui pour les prevenir, ou pour me corriger peut etre ont tout mis en usage du mepris, des petits tours de leur façon
souvent plus fins ou du moins plus cachés
encore, de la raillerie bien amiableet mieux encore placée et qui pour parler net, ont
de très grand coeur
abusé de ma complaisance de’l d ’angleleur
de les
egayer dans
leur langueurs. J’ai fait
joué au Colin Maillard avec eux et de trop grande amitie pour moi,
a chase
ils ont oubliée que je m’etois bandé les yeux moi même et tachent quoiqu’envain de me les fassciner encore. Il est bien naturel que rien peut flatter leur orgueil d‘avantage lequel je mesuis proposé de ne plus menager. Il est aisé a prevoir que ce changement de conduite ne leur conviendra guere, après leur avoir donné tant d’avantage par celle que j’affectois en arrivant. Cependant je ne peux rien moins que la continuer telle
quoique leur amitié m’en veuille persuader et quelqu’honneur que j’y mette de plaire a une Cour qui fixe a present les yeux de toute l’Allemagne et même de nos voisins, j’ai assez d’ambition de n’en vouloir plus faire le plaisant. Voila les sentiments avec lesquelles je ne peux m’empecher d‘y commencer ma nouvelle carriere.